La démarche

English version below

Les SIMONNET créent des formes. Ils sont boulimiques et voyeurs. Ils veulent voir et donner à voir quantité de formes. Des formes qui sont quelque part dans un ailleurs que certains appellent imaginaire, mais qui pour eux est bien réel puisqu’ils le conçoivent, le sentent, le palpent, le façonnent avec leurs mains.

Leur processus de création est au départ volontairement rationnel, parfaitement objectivé. Les problèmes formels sont mis sur table. Une volonté de maîtriser ses intuitions et ses choix, de les analyser, de les disséquer pour aller à l’essentiel, à l’épuré. Un souci permanent de traquer l’inutile, le parasite, le non-voulu. Interroger la forme à sa naissance, se laisser interroger par elle. Une méthode rigoureuse, efficace, constructive au vrai sens du terme. Grâce à cette rationalité, l’approche peut être collective. Les intelligences vont se conjuguer au lieu de s’exclure.

Les formes sont analysées, disséquées, décomposées en éléments de base plus fondamentaux, plus minimalistes que nous appelons modules. Ces modules sont des formes élémentaires qui peuvent relever de la géométrie pure comme la sphère, le cylindre ou le tore. Ils peuvent être plus complexes et même échapper parfois volontairement à cette géométrie pour se rapprocher du vivant, des formes qui respirent, qui évoluent en dimensions comme en volume, qui sont en gestation.

Ces modules ne sont pas le fruit du hasard. Ils traduisent une volonté bien précise, issue d’une analyse, un principe épuré, une idée circonscrite. Après avoir été l’aboutissement d’une analyse, ces modules vont devenir l’origine des formes, des possibilités formelles illimitées, en répondant à leur logique propre. Ces modules vont toujours être conçus pour vivre ensemble, se rejoindre, se raccorder, se prolonger, se combiner à l’infini. Nous créons des alphabets formels, c’est à dire des séries de modules qui sont faits pour être reliés, assemblés, qui ont des liens de parenté puisqu’ils constituent des familles de formes. Ils partent de l’origine, de l’élémentaire, de la naissance.
Les formes qui en découleront sont illimitées. Elles résulteront du jeu infini des combinaisons, du plaisir de mettre en présence, de juxtaposer, d’accoler, de relier, c’est à dire de mettre en relation, de faire surgir des possibilités d’être qu’on ne soupçonnait pas. Elles auront leur originalité propre tout en étant ontologiquement reliées entre elles par une structure, une ossature qui les innerve. Ce pourra être une surface courbe, une division, une ramification, un gonflement, un soulèvement.

Cette approche de la forme, ce langage, est lié à son mode technique de production et de reproduction: le moulage polyester. Contrairement à d’autres matériaux, comme la pierre ou le bois, le polyester ne restitue que ce qu’on lui donne, une forme, une couleur, une matière. On peut même dire que ces trois paramètres sont inexistants au départ, puisque le matériau lui-même passe de l’état liquide à l’état solide quand celui qui le manipule en a décidé.

La multiplication des modules de base, si ceux-ci sont bien pensés, n’aboutit pas à une monotone répétition de type industrielle, mais au contraire, génère une grande variété de formes. Le monde qui nous entoure n’est-il pas le résultat d’une infinité de combinaisons? Ce mode de création est à l’instar de la vie, prolifique en son essence. Il est fait pour envahir, se développer, c’est sa logique propre.

En peinture, le jeu des combinaisons de formes préétablies sera enrichi par celui des couleurs, des matières fictives, derrière le glacis d’une surface polie comme un miroir. Jeu de la forme et de son absence, du vide ou du plein qu’elle crée par son contour. Jeu de la complémentarité, de l’imbrication, de la superposition. Jeu de la proximité ou de l’éloignement par le choix du ton et de la valeur. Jeu de la mise en scène, de la mise en page, de la mise en image, c’est à dire de la composition. Interrogation sur un processus d’élaboration objectivée de l’image, sur sa naissance.

Cela ne signifie pas que toutes les combinaisons devront être retenues, que tous les assemblages seront d’égal intérêt. Dans l’immensité des possibles, il faudra encore choisir, et c’est là, le rôle du créateur, son pouvoir et son obligation, sa prérogative, son privilège exorbitant aux yeux des autres puisqu’au lieu de subir la réalité visuelle, il participe à son élaboration et à son développement.

Jean Marie SIMONNET

“Les modules sont aux compositions formelles, aux sculptures,

ce que les mots sont aux phrases, des composants du sens.”

English version

The Simonnets create forms – bulimic and voyeuristic. They endeavor to perceive and to reveal a number of forms. Form that are in a sort of place that some call imaginary, but are for them real because they have conceived it, felt if, palpated if, and modeled it with their own hands.

Their creation process begins in deliberate rationality. The formal problems are exposed in a venture at mastering one’s intuitions and one’s choices – to analyze and dissect them – in order to arrive at something essential pure. A constant effort to track the useless, the parasitic, the unwanted. To interrogate the form and its birth, and to open oneself to be interrogated by it. A rigorous and efficient method, constructive in the true sense of the term. Because it is rational, this approach can be collective.
Intelligence converges rather than excludes.

The forms are analyzed, dissected, decomposed into their basic most minimal fundamentals, that we call modules. These modules are the elementary forms that can stem from geometry: pure like the sphere, the cylinder or the torus. They can be complex, and occasionally, consciously slip from the realm of geometry to the living; forms that breathe and evolve into dimensions such as volume, and are gestating.

These modules aren’t the product of chance. They translate a specific desire coming from analysis; a c1ear principle; circumscribed idea. As a fruit of analysis, these modules will become the origin of form, unlimited formal possibilities, in response to their own logic. These modules will always be conceived for life together, the meet together, to connect, to prolong and combine each other infinitely. We create formal alphabets – that is to say, series of modules that are made to be linked, assembled, that have parental links because they are constituted of families of forms. They begin at the origin of birth.

The forms brought forth in this way are unlimited. They will result from the infinite game of combinations, from the pleasure of uniting, juxtaposing, linking, in order to allow unexpected possibilities to surge forth. Each forms inherent originality stems from their ontological link through their structure bone that connects nerves. This could be a curved surface, a crevice, a branch, an uprising.

This approach to form, this language, is linked to its technical mode of production and reproduction: the polyester casting. Unlike other materials, like stone or wood, polyester only takes on what is given to it: form, color, matter. One can even say that these three parameters are inexistent at the beginning, because the material itself moves from a liquid state to a solid state, when the person handling it has decided.

If the base models are well thought-out, their multiplication does not produce a monotonous industrial-like repetition but rather a large variety of forms. Is not the world that surrounds us the result of infinite combinations? This mode of creation is the blueprint of life, prolific in its very essence. It is made to invade, to develop; it is its own logic.

In painting, the game of combining pre-established forms will be enriched by that of colors and fictive matter, behind a polished surface like that of a mirror. Play on form and its absence, of emptiness or abundance that is created on its contours. Play on complementarities, of imbrications and superposition. Play on proximity or distance, by the choice of tone and the value. Play on the staging, the presentation of the page, the image, the composition. Interrogation on the process of the objectified elaboration of the image – on its birth.

This doesn’t mean that every combination should be retained, or that all of the groupings will be of equal interest. In the immensity of possibilities, one must still choose, and it is therein that lies the role of the creator – her power and obligation, her prerogative and her exorbitant privilege because rather than be subjected to visual reality, she participates in its creation and growth.

Jean Marie SIMONNET